Thursday, July 20, 2006

Les principes de base de l’affacturage – Premier chapitre

Pour saisir les subtilités byzantines et juridiques de l’affacturage, il faut tout d’abord bien en comprendre le fonctionnement, ainsi que ses diverses implications juridiques.

Imaginons l’exécution idéale d’un contrat d’affacturage, sans complications, sans contestations.

Un commerçant, qu’il s’agisse d’une personne morale (société commerciale) ou d’une personne physique, émet des factures sur ses clients : ces factures sont toujours stipulées à échéance à 30, 60 jours voire plus, notamment pour les factures émises sur des personnes de droit public (administrations, collectivités locale, etc).

Le commerçant doit bien évidemment faire face aux demandes de règlement qui lui sont adressées par ses propres fournisseurs : il doit donc disposer d’une certaine souplesse dans la gestion de sa trésorerie, et se résoudre à mobiliser ses propres créances, pour obtenir du financement.

C’est à ce moment là que se présente la société d’affacturage, qui est en général une émanation d’un grand établissement bancaire : chaque banque, en effet, dispose de sa société d’affacturage. Nous laisserons pour l’instant de côté la question délicate de savoir si une société d’affacturage relève de la législation sur les établissements de crédit…

La société d’affacturage propose le plus souvent les services suivants :

- financement des factures émises par le commerçant (l’adhérent)

- garantie des créances en cas de défaillance du « débiteur cédé » (dans la limite de l’approbation accordée)

- gestion du poste client (recouvrement des créances auprès des débiteurs).

Les relations contractuelles entre la société d’affacturage et l’adhérent sont donc régies par un contrat d’affacturage.

A l’occasion de la signature de ce contrat, l’adhérent va consentir une quittance subrogative (ou subrogatoire) permanente au bénéfice de la société d’affacturage.

L’adhérent va donc émettre, comme auparavant, ses factures à l’attention de ses clients (que nous appellerons par commodité « débiteurs cédés », bien que le terme soit ambigu, en raison de la confusion qu’il crée avec une cession de créance professionnelle de type bordereau Dailly).

La nouveauté, c’est que l’adhérent doit inclure dans le corps de la facture une mention de subrogation, indiquant expressément que le paiement de cette facture devra se faire auprès de la Société X, en exécution d’un contrat d’affacturage. La mention doit également préciser que seul un paiement effectué entre les mains du factor sera libératoire (c’est-à-dire emportera extinction de la dette).

L’adhérent remet ensuite l’ensemble de ses factures à la société d’affacturage, en général accompagné d’un bordereau de remise, qui comporte une nouvelle clause de subrogation conventionnelle (renforçant celle contenue dans la quittance subrogative).

Conformément au contrat d’affacturage, le factor a ouvert « dans ses livres » un compte courant au nom de son adhérent (nous reviendrons sur la nature de ce compte courant). Il s’agit d’un compte qui ressemble, pour l’essentiel, à n’importe quel compte bancaire.

Après réception du bordereau de remise, la société d’affacturage va payer le montant global des factures qui lui sont remises : ce paiement sera fait par l’inscription au crédit du compte courant de l’adhérent du montant global des factures.

Selon une jurisprudence constante, vaut paiement une inscription au crédit d’un compte courant.

Par ce paiement, en raison de la clause conventionnelle de subrogation, la société d’affacturage est immédiatement subrogée dans les droits de son adhérents : subrogée, cela veut dire que la société d’affacturage « prend la place » de son adhérent, et devient seule titulaire des créances.

Cette subrogation a deux conséquences :


- Seule la société d’affacturage est en droit de réclamer le paiement des factures aux clients de l’adhérent (les fameux débiteurs cédés (« transférés » si l’on préfère) par voie de subrogation)

- Tout paiement fait entre les mains de l’adhérent n’est pas libératoire : le client ou débiteur cédé peut être condamné à payer une seconde fois, entre les mains du créancier subrogé cette fois, selon l’adage « Qui paie mal paie deux fois ».


Après ce paiement effectué par inscription au compte courant, l’adhérent peut alors demander un financement à la société d’affacturage (pour lui, c’est l’intérêt essentiel de l’opération, obtenir des fonds avant l’échéance normale de ses factures).

Conformément au contrat, l’adhérent peut demander au factor un financement dans la limite du disponible du compte courant (nous reviendrons également sur cette notion bancaire) : le disponible correspond, grosso modo, au montant des factures remises moins les commissions perçues par le factor, moins les comptes de réserve.

Le financement sera réalisé par un virement bancaire effectué par la société d’affacturage sur le compte bancaire de son adhérent.

De son côté, la société d’affacturage va procéder au recouvrement des factures qui lui ont été transférées (qu’elle a achetées) : à la date d’échéance des factures, le débiteur cédé devra spontanément adresser son règlement à la société d’affacturage.

Par l’effet de ce règlement, la facture réglée sortira alors de la « balance âgée détaillée », encore appelée « balance acheteurs », qui récapitule pour un même adhérent l’ensemble des factures dans les droits desquelles il se trouve subrogée (un portefeuille de factures, en quelques sorte).

Par ce paiement fait au créancier subrogé, le débiteur se sera valablement acquitté de sa dette, et sera libéré (de son obligation).

Sunday, July 16, 2006

Un petit coup d'oeil rapide sur le dôme de l'hôtel des Invalides...


Le dôme, vu de l'avenue de Breteuil... un endroit absolument charmant...pour pique-niquer notamment...emplacement beaucoup moins couru que le Champs de mars...

Saturday, July 15, 2006

Paiement et financement des factures


La distinction entre les notions du financement et du paiement est indispensable à une bonne compréhension du fonctionnement de l’affacturage, et de ses implications juridiques.En effet, l’affacturage est tout entier fondé sur le mécanisme juridique de la subrogation conventionnelle :« Pour opérer le transfert au factor de la créance de l’adhérent, il est impossible, en pratique, de recourir à la cession de créance de l’article 1690 du Code civil qui exige la signification au débiteur cédé ou son acceptation par acte authentique. La facture n’étant pas un titre incorporant la créance, sa transmission en peut opérer le transfert de la créance. Le seul procédé utilisable, lors de l’institution de l’institution en France, a été la subrogation conventionnelle dont on a magistralement démontré (Mestre, La subrogation conventionnelle, LGDJ 1979, préf. Kayser) qu’elle est un mode de transmission de créance réalisé sur la base d’un paiement. »(Lamy Droit du Financement, 2003, Article Affacturage, 3015).

Ainsi, dès lors qu’une facture remise par l’adhérent a été payée par le factor, par inscription au crédit du compte courant, la facture est transférée au factor par voie de subrogation conventionnelle. Le paiement de la facture permet donc son transfert à la société d’affacturage, qui en devient seule titulaire, et qui peut seule en demander le règlement au débiteur cédé.Le financement est une opération juridique d’une tout autre nature : il consiste dans l’exercice de tirages à l’initiative de l’adhérent sur le solde disponible, disponible résultant du montant total des créances transférées, diminué de la retenue de garantie, des commissions et de ce qui contractuellement a été défini comme étant non finançable, en général ce qui ne rentre pas dans les limites des approbations.

L’acquisition de factures transférées par voie de subrogation conventionnelle n’implique nullement un financement corrélatif : la société d’affacturage peut acquérir des factures sans procéder à leur financement, comme le rappelle la doctrine en parfait conformité avec la pratique quotidienne de l’affacturage :« Dans un délai habituel de quarante-huit heures après réception des factures, le factor s’engage à mettre à disposition de l’adhérent tout ou partie des créances, et ce, en anticipation sur le règlement à provenir des débiteurs. Ce financement anticipé des créances n’est jamais imposé à l’adhérent, c’est une faculté qui lui est offerte et dont il peut user à tout moment dans les limites contractuelles. »(Jurisclasseur Banque et Crédit, Article Affacturage (Factoring), 22).
Dès lors, un Adhérent ne saurait affirmer, comme on peut l’entendre dans certains litiges, qu’il ne peut y avoir de paiement de factures, sans financement correspondant.

Actualité jurisprudentielle de l'affacturage

- Concours du factor avec d’autres créanciers de l’adhérent (sous-traitants)

En l’absence d’agrément du sous-traité par le maître de l’ouvrage, le sous-traitant ne peut valablement poursuivre ce dernier en paiement des travaux sous-traités, dès lors qu’il dispose d’une action en restitution à l’encontre de la société d’affacturage, par suite de l’inopposabilité à son égard de la cession consentie par l’entrepreneur principal au bénéfice du factor.C’est la solution retenue par la Chambre commerciale dans son arrêt du 10 mai 2006 (pourvoi n°04-15.546).

La société X avait remis, avant sa mise en redressement judiciaire, des créances à une société d’affacturage, qu’elle détenait sur la société Y, au titre de travaux qu’elle avait partiellement sous-traité à la société Z.Cette dernière n’ayant pas été payée de ses prestations a exercé l’action directe, prévue par l’article 12 de la loi du 31 décembre 1975, contre la société X, en sa qualité de maître de l’ouvrage, qui avait précédemment réglé au factor la somme litigieuse, en sollicitant la condamnation du maître de l’ouvrage à la payer la somme lui restant due, et qu’il soit également ordonné au factor de restituer cette somme au maître de l’ouvrage.

La Cour d’appel avait fait droit à cette demande, après avoir constaté que le maître de l’ouvrage avait réglé à tort la société d’affacturage, la cession opérée en sa faveur étant inopposable au sous-traitant. Au visa des articles 11 et suivants de la loi de 1975, la Chambre commerciale a censuré cette décision, en considérant que le maître de l’ouvrage s’était valablement acquitté entre les mains de celui qui s’était présenté comme cessionnaire (la société d’affacturage), en l’absence d’agrément du sous-traitant, et que ce dernier disposait d’une action en restitution à l’encontre du factor, par suite de l’inopposabilité à son égard de la cession litigieuse intervenue pour les sommes reçues de cette dernière.

Cette décision est conforme à la jurisprudence de la Chambre commerciale qui estime que, conformément aux dispositions de l’article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, la société d’affacturage ne peut opposer au sous-traitant aucun droit sur les sommes dues par l’entrepreneur principal au titre des travaux sous-traités (Com. 5 février 1991, Bull. civ. IV n°53). Le sous-traitant est alors recevable à poursuivre directement le factor en restitution des sommes réglées par le maître de l’ouvrage.

Elle doit être également approuvée, en ce que le paiement effectué par le maître de l’ouvrage au bénéfice du factor doit être considéré comme libératoire à son égard, en l’absence d’agrément du sous-traité.

- Connaissance de la convention d’affacturage par le débiteur cédé.

Par un arrêt en date du 14 mars 2006 (pourvoi n°04-17.594), la Chambre commerciale a confirmé sa jurisprudence sur l’opposabilité de la subrogation conventionnelle au débiteur cédé, dès lors que ce dernier a été informé de l’existence de la convention d’affacturage.

Dans cette espèce, une société X avait souscrit un contrat d’affacturage auprès d’un établissement financier, et avait délivré une quittance subrogative générale. Dans le cadre du contrat, elle avait remis au factor , par bordereau récapitulatif, neuf factures émise à l’encontre de la Société Y, qui ont été inscrites au crédit du compte courant de l’adhérent.

Après avoir vainement tenté de recouvrer les factures auprès du débiteur, qui avait procédé à un règlement direct entre les mains de l’adhérent, le factor l’a assigné en paiement, et a obtenu sa condamnation au paiement du montant des factures transférées.Pour contester la décision l’ayant condamné, la société X faisait valoir que les paiements qu’elle avait effectués directement auprès de la société Y étaient à son égard libératoires, dans la mesure où elle n’avait pas été informée antérieurement de la subrogation.

Pour rejeter le pourvoi, la Chambre commerciale a relevé que l’arrêt avait constaté que les factures produites par le factor portaient toutes la mention de subrogation, et que celles produites par la société Y en étaient la réplique exacte, hormis cette mention, « due à une amputation de la partie basse des documents, qui ne peut être que le fait de la société Y ».

La Chambre commerciale a relevé également qu’en réponse à la lettre que lui avait adressé le factor lui réclamant pour la première fois le paiement des factures litigieuses, la société Y avait fait état uniquement de ce que les factures auraient été déjà été réglées directement à la société X, et ne faisait nullement état du fait qu’elle n’avait pas été informée du contrat d’affacturage.

Cette décision confirme la jurisprudence constante de la chambre commerciale, sur la notification du contrat d’affacturage au débiteur cédé par inscription de la mention de subrogation dans le corps des factures transférées.

Il sera rappelé que dans le cadre d’un contrat d’affacturage, les créances de l’adhérent sur ses clients sont transmises en propriété au factor par le seul effet de la subrogation. Cette subrogation intervenue au bénéfice du factor subrogé est opposable aux tiers sans autres formalités (Lamy financement, Fascicule Affacturage n°2882). Il est d’autre part constant que le transfert des créances cédées au bénéfice du factor est opposable au débiteur à la date du paiement subrogatoire et non à celle où il a été informé de l’existence de la subrogation (Com. 3 avril 1990. n°89-10.255, RTD Com 1990, p.444, obs. Cabrillac et Teyssié).

La notification de la subrogation au débiteur cédé n’a pas d’autre fonction que déterminer le caractère libératoire du paiement effectué par le débiteur soit au bénéfice du créancier subrogeant, soit au bénéfice du factor subrogé. Les paiements effectués entre les mains du créancier subrogeant ne sont donc pas libératoires, dès lors que le débiteur cédé a été informé de l’existence de la subrogation par l’insertion d’une mention relative à la subrogation dans le corps de la facture (Com. 14 octobre 1975, JCP 1976, éd G, II, n°18279, note Gavalda).

- Escroquerie par production de faux documents – Négligence du factor

« Aucune faute ne peut être reprochée à un factor ayant concouru à son propre préjudice dans le fait de n’avoir pas suffisamment vérifié l’authenticité de documents qui, revêtus de tous les signes habituels de leur authenticité, avaient l’apparence de vrais certificats de paiement »Telle est la solution retenue par la 5ème Chambre des appels correctionnels d’AIX-EN-PROVENCE, dans un arrêt en date du 16 novembre 2005 (jurisdata n°297-691).

Cette juridiction répressive avait à se prononcer sur l’appel interjeté par une personne prévenue d’avoir établi, en sa qualité d’ingénieur en chef d’une grande ville du sud de la France, de faux certificats pour paiement de prestations ne correspondant par à des travaux réellement effectués par une société dont le gérant était devenu un ami personnel, en apposant des timbres humides de la ville et sa signature, faux certificats destinés à être produits par cette société auprès d’une société d’affacturage.

Le fait de remettre à une société d’affacturage des factures non causées, avec de faux documents tendant à créer l’apparence de prestations réellement effectuées, est susceptible en effet d’être poursuivi sous la qualification de faux et usage de faux, et d’escroquerie.En l’espèce, l’appelant avait été retenu dans les liens de la prévention, pour faux et usage de faux, ainsi que pour complicité d’escroquerie.

Pour s’exonérer partiellement de sa responsabilité, le prévenu avait invoqué la propre faute de la société d’affacturage, qui se serait montrée négligente dans la vérification de l’authenticité des certificats pour paiement remis par son adhérent.La Cour d’appel n’a pas retenu cette responsabilité, et sa décision doit être approuvée.En effet, dans le cas d’espèce, les juges avaient relevé qu’une partie des factures remises par l’adhérent correspondaient à des travaux effectivement réalisés, et que les faux certificats présentaient tous les signes habituels de leur authenticité.